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136.

Penzing-lez-Vienne,
6 Juin 1862.
Très cher ami[1]

Il faut que j’aie pourtant encore une fois des nouvelles de vous, enfin ! De moi, les meilleures nouvelles que vous puissiez recevoir, c’est que je vous annonce la reprise de mon travail ! Les événements extérieurs, même les plus divers, n’ont plus de vrai sens pour moi. Mon voyage en Russie — St Pétersbourg, Moscou —, et les incidents qui s’y rattachent, tout cela ne fit d’impression sur moi que pour autant que cela contribuait à me débarrasser de tous ces ennuis, et à me procurer un « Asile » pour travailler. Mon amertume, en pareilles circonstances, c’est-à-dire en voyant la quantité de gens qui disposent de plus de loisirs et de ressources qu’il ne leur en faut, est parfois très vive et provoque chez moi une arrière-pensée d’ironie la plupart du temps à l’égard de toute assurance de sympathie ou d’amitié qui m’est témoignée. Quand je songe à toutes les angoisses, à toutes les inquiétudes que je subis depuis que j’ai quitté Zurich, je ne puis m’empêcher d’accuser sévèrement ma destinée ! La possibilité d’arriver encore, finalement, au repos, pour écrire mes œuvres projetées, donne à cette poursuite folle de la tranquillité sa seule signification. J’ai donc fêté mon cinquantième

  1. La lettre est adressée au mari de Madame Wesendonk.