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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/216

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portance pour moi à mon insignifiante personne : seulement, celle-ci n’existe précisément que pour moi-même ! C’est une circonstance néfaste ! On peut aligner beaucoup de phrases consolantes, m’évoquer emphatiquement nombre d’illusions à ce sujet : mais cela ne produit plus le moindre effet sur moi ! J’entends que ce sont uniquement des mots, et le vois même, surtout quand ils sont écrits, puisque toutes mes relations avec les humains n’ont lieu que par lettres.

Maintenant que faire donc de mon « Asile », malgré portefeuille et lampe ? Problème difficile à résoudre, surtout vu mon éparpillement. — J’y réfléchis ; je pèse le pour et le contre. Est-ce que je m’y fixerais encore pour quelque temps, disons pour cinq années ? Comment faire, pour tenir bon durant celles-ci ? Cela me devient fort ardu et, à vrai dire, je suis, sur ce point, dans l’incertitude la plus absolue. Mes besoins augmentent : j’ai à entretenir un double ménage, deux vraiment misérables ménages ! — Alors, il faut m’en tenir à ma personne. Nul ne veut de mes œuvres : le monde ne connaît et n’estime que le virtuose. Maintenant la détresse m’a montré que je suis un virtuose aussi. À la tête d’un orchestre, il me semble que j’en produis l’effet sur un auditoire. Les Hongrois, qui n’avaient aucune idée de ma musique, et vivent, à leur Théâtre National, uniquement de Verdi, etc, saisirent avec une incroyable rapidité chaque