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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/29

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plus profond de mon âme et mon être physique ; silence de toute passion vitale ; repos, abandon complet des rênes de la vie, naguère convulsivement retenues.

Pendant deux heures, je savourai ce bonheur immense. Puis la vie reprit son cours : les nerfs tressaillirent ; la douleur, le besoin, le désir, le vouloir, s’en revinrent ; le malaise, la gêne, — l’avenir furent là de nouveau. Et, peu à peu, je me réveillai complètement, pour retrouver le souci de ma nouvelle installation.

C’est ainsi : encore une fois je m’installe, — sans foi, sans amour, sans espoir, sur la vacillante incertitude d’une rêveuse indifférence…

Qu’il en soit ainsi ! On ne s’appartient pas et quiconque le croit ne fait que s’illusionner…

Je ne suis pas encore tout à fait bien (ce qu’on appelle bien !) — je veux cependant vous donner encore une nouvelle toute fraîche. La dramatique idylle de Carlsruhe est complètement finie et abandonnée.[1] Devrient lui-même m’a épargné la peine de devoir refuser personnellement sa cantatrice : elle-même a déclaré n’être pas à la hauteur du rôle d’Isolde. Passons donc là-dessus ! En tout cas, l’entière aventure de Tristan est remise à plus tard et la porte

  1. Voir Glasenapp, II, 2, 225 et suiv. ; voir aussi l’observation à la lettre 92.