Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours davantage de toute société. Ce n’est point par vanité blessée que je suis sensible au reproche d’aimer trop à parler, mais j’éprouve ce triste sentiment : « Que peux-tu être pour les hommes, que peuvent-ils être pour toi, s’il ne s’agit pas dans notre commerce d’arriver à l’entente, mais, au contraire, de garder intacte chacun sa propre opinion ? » Sur les sujets qui me sont étrangers, dont je n’ai aucune idée certaine, soit par expérience directe, soit par l’intuition du sentiment, je ne m’étends jamais que pour me faire instruire ; mais quand, sur un sujet qui m’est familier, je sens que j’ai à dire quelque chose de judicieux et de logique, m’obliger à interrompre le développement de mon idée rien que pour laisser à autrui l’apparence d’avoir aussi raison avec l’avis exactement opposé, c’est rendre inutile toute parole qui pourrait être prononcée en société. J’évite maintenant toute société particulière… et je m’en trouve bien.

Mais peut-être suis-je par trop bavard aujourd’hui même, et mêlé-je trop de choses qui pouvaient demeurer distinctes. Me comprenez-vous quand, cette fois-ci encore, avec vous, mon sentiment me pousse à la transition graduelle, quand je veux accorder les extrêmes de mon âme et ne veux pas me taire soudain, pour vous dire ensuite, avec la même soudaineté, que je suis calme et serein ? Est-ce que cela