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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/37

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le noble vouloir peuvent avoir une action apaisante sur moi. Tout pourra s’arranger encore, et, quand j’aurai retrouvé la paix, quand le recours à mon art créateur sera redevenu possible, bientôt rien n’aura plus le pouvoir de troubler mon âme : je regarderai alors avec sang-froid vers le dehors, et, moins je m’efforcerai de ce côté, plus vite m’arrivera, sans doute, de là-même, ce que je dois volontiers accueillir. Donc… patience !…

Parmi mes livres, j’ai pris notre cher Schiller. Hier, j’ai lu la Pucelle d’Orléans. Cette lecture m’avait à ce point disposé musicalement que j’aurais parfaitement pu rendre par des sons le silence de Jeanne quand elle est publiquement accusée : sa faute, — sa faute miraculeuse ! — Aujourd’hui un discours de Posa (à la fin du deuxième acte), sur l’innocence et la vertu m’a véritablement stupéfait par l’incroyable beauté de la diction poétique. Comme je regrette de ne pouvoir satisfaire le comité Schiller de Berlin, qui m’a récemment prié d’écrire un chant pour ses fêtes ! Plaignez-moi, mais réjouissez-vous aussi, en apprenant que j’ai écrit cette lettre aujourd’hui interrompu à chaque instant par les ouvriers, parmi le tapage des tapissiers, de l’accordeur, des menuisiers, etc, etc. Peu s’en est fallu que je n’eusse le loisir d’écrire la musique demandée par le comité Schiller ; mais le délai est trop