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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/70

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peu qui est là me dégoûte. La langue aussi est une des causes principales qui font qu’ici tout me reste proprement étranger. La torture d’une conversation française m’est prodigieusement fatigante ; je m’interromps souvent au milieu d’un entretien, comme un désespéré qui se dit : « Ce n’est décidément pas possible ; tout est inutile ! » Alors je me sens lamentablement un « sans-patrie ». Je me demande : « Où est donc ta place ? » Et je n’ai pas de pays à nommer, pas de ville, pas de village même. Tout m’est étranger, et souvent je tourne un regard nostalgique vers le pays du Nirvâna. Mais le Nirvâna, bien vite, me redevient Tristan : vous connaissez la théorie bouddhiste de la Genèse. Un souffle trouble la clarté du ciel :
[exemple musical]
cela s’enfle, cela se condense et finalement le monde entier m’apparaît comme une masse impénétrable. C’est ma vieille destinée, tant que j’ai encore de ces esprits non délivrés autour de moi !…

J’ai encore quelque chose du pays auprès de moi, que je vais perdre bientôt : Bülow. Le pauvre garçon se tue de fatigue ici ; et je jouis peu de lui, car c’est à peine s’il peut me faire de rares visites. Cependant il m’est déjà doux de le savoir ici. Mon Dieu ! cela me fait tant