Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui me domine aujourd’hui. Rien d’autre ne me paraît valoir la moindre peine ! Voilà ce qui me semble encore le plus raisonnable et je trouverais impardonnablement égoïste de refuser n’importe quel tourment ou quel affront qui pourrait conduire à la délivrance de mon œuvre. Que suis-je donc… sans mon œuvre ?… Et puis encore ceci : je n’ai pas foi dans mon opéra en langue française. Tout ce que je fais pour cela est en désaccord avec la voix intérieure que je puis seulement assourdir par la légèreté et la violence. Je n’ai foi ni dans un Tannhäuser français, ni dans un Lohengrin français, moins encore dans un Tristan français. Toutes mes démarches dans cette voie demeurent non bénies, d’ailleurs : un démon — sans doute mon démon — me contrarie en tout. Seul l’ordre d’un despote pourrait écarter les obstacles personnels qui empêchent mon entrée à l’Opéra de Paris. Pour l’obtenir je ne ressens même aucune véritable ardeur. Surtout qu’ai-je affaire avec mes anciennes œuvres ? Elles me sont devenues presque indifférentes. Je me surprends toujours à m’en désintéresser absolument. Et puis les traductions françaises ! Il me faut les tenir pour entièrement impossibles ! Les quelques vers traduits pour mon concert ont coûté des peines indicibles et étaient insupportables. Malgré des efforts infinis, pas un acte de mes opéras n’est encore traduit et le