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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/75

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à l’état misérable où se trouve l’art français ; que la poésie est, proprement étrangère à ce peuple qui, à sa place, ne connaît que la rhétorique et l’éloquence. Étant donné l’isolement absolu de la langue française et son incapacité de s’assimiler par une traduction l’élément poétique qui lui est étranger, il ne reste qu’un seul moyen, c’est de faire agir la poésie sur les Français par l’entremise de la musique. Seulement, le Français n’est pas non plus proprement musicien, et toute musique lui est venue de l’étranger : de tout temps, le style musical français ne s’est formé que par le contact de la musique italienne et de la musique allemande ; il n’est rien d’autre, à proprement parler, qu’une transaction entre ces deux styles…

Tout bien considéré, Gluck n’a rien appris d’autre aux Français qu’à mettre la musique d’accord avec la rhétorique de la tragédie française : de vraie poésie, au fond, il n’en était pas question. C’est pourquoi, depuis lors, les Italiens presque seuls ont été maîtres du terrain : il ne s’agissait jamais que d’une rhétorique et d’une manière, et, au demeurant, de musique aussi peu que de poésie. La négligence croissante qui en est résultée jusqu’à ce jour est incroyable. Dernièrement, pour connaître un peu les chanteurs de l’Opéra, je fus obligé d’entendre une œuvre nouvelle d’un certain prince Poniatowski. Ce que j’éprouvai là ! ! Quelle nostalgie du