Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/80

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veux tirer ces messieurs d’embarras : l’Opéra n’a pas besoin de commencer avant huit heures, et j’évoquerai alors encore une fois le profane Venusberg.

Cette cour de « dame Vénus » était manifestement le point faible de l’œuvre. N’ayant pas de bon corps de ballet à ma disposition, je m’étais contenté d’une esquisse à la grosse brosse et par là je gâtai beaucoup les choses : je laissais notamment l’impression du Venusberg faible et indécise, ce qui avait pour conséquence de ruiner la base même sur laquelle devait s’édifier ensuite l’émouvante tragédie. Tous les ressouvenirs et les avertissements ultérieurs, si décisifs, qui doivent nous remplir d’horreur (et par là seulement peut s’expliquer l’action), perdaient presque tout leur effet ; la terreur et l’angoisse continues faisaient défaut. Je reconnais, d’ailleurs, maintenant qu’à l’époque où j’écrivis Tannhäuser, j’étais encore incapable de réaliser chose pareille, qui est nécessaire ici ; pour cela, il fallait une maîtrise beaucoup plus grande, que j’ai tout juste maintenant : maintenant, après avoir écrit la suprême transfiguration d’Isolde, je pouvais trouver aussi bien la vraie fin qu’il fallait pour l’ouverture du Vaisseau Fantôme, et l’horreur du Venusberg. On devient tout-puissant, lorsqu’on ne fait plus que jouer avec le monde. Évidemment, il me faut ici tout inventer de moi-même, afin