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Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/94

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ne puis écrire qu’intimement à un si charmant homme. Je n’ai point d’affaires avec lui ; mais savoir d’avance que nos intimités seront toujours exposées aux yeux de deux[1] personnes, cela n’est pourtant pas supportable : tout devient alors charlatanisme et arrière-pensée. Tel est le cas ici : Liszt est devenu un homme absolument dépourvu de secret ; ce n’est pas son intime unité, mais sa faiblesse ouvertement exploitée qui l’a mis dans un état de vilaine dépendance. J’ai fini par lui déclarer — ou plutôt, hélas ! par leur déclarer à tous deux — avec tristesse, mais avec précision, que je ne pouvais plus lui (ou leur !) écrire. Le pauvre homme fait maintenant tout son sacrifice en silence, il subit tout : il croit ne pas pouvoir agir autrement. Mais il m’affectionne toujours, de même que pour moi il demeure toujours un être noble et très cher. Pensez un peu maintenant combien est touchant le salut que nous échangeons de temps en temps à la dérobée, comme des amants séparés par le monde. C’est ainsi qu’hier m’arrivaient par le télégraphe les souhaits les plus chaleureux pour mon anniversaire. Comme cela me fait sourire et me réjouit !

Ainsi passa la journée : je conservai ma belle humeur et, presque pour la première fois,

  1. Voir Bayreuther Blàtter, 1900, pages 85 et suiv. ; voir Glasenapp, II, 2, 230.