Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/95

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goûtai spirituellement le bonheur et le bien-être de la pleine santé corporelle, qui ignore la cause de son plaisir, justement parce qu’il résulte d’une concordance harmonieuse de ses forces vitales. À vous, je n’ai même pas besoin de dire de quelle source découle ce sentiment pour moi : c’est cela précisément qui me donne cette santé. C’est quelque chose de merveilleusement précieux, et je sens que rarement un beau jour pourra me procurer encore cette harmonie. Cependant, le soir, Jupiter brilla merveilleusement à mes yeux : il est maintenant dans tout son éclat. Ce doit être l’étoile du quinquagénaire — au sens plaisant de notre Schopenhauer : — j’ai encore trois ans d’ici là. Je les vivrai : Jupiter brillera-t-il pour moi fidèlement, immuablement ? Oh ! il y aura encore des nuits sans étoiles : je les connais toutes, les angoisses et les peines, à travers lesquelles j’aurai à gouverner, et l’une des nuits les plus terribles m’attend. Reverrai-je alors l’étoile ? Jupiter m’éclairera-t-il quand j’aurai le plus besoin d’un astre qui me guide ?… Voilà ce que je demandai ; et la merveilleuse soirée me répondit avec douceur et tendresse et me rafraîchit les yeux.

Le soir, vinrent deux jeunes Allemands, que j’ai choisis tout à fait au hasard. Avant de partir, ils ne me laissèrent pas de repos que je ne leur eusse joué encore le prélude