Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

nom que tu portes, et comme ce nom est étranger à toute espèce de réputation, comme de plus il ne se trouve inscrit sur aucune liste de propriétaires ou de rentiers, il vous faudra végéter inaperçus, toi et ton talent.

(Je n’ai nul besoin, je pense, de faire remarquer au lecteur que, dans les objections dont je me sers et dont j’aurai encore à me servir vis-à-vis de mon ami, il ne s’agit nullement de voir l’expression complète de ma conviction personnelle, mais seulement une série d’arguments que je regardais comme urgent d’employer pour amener mon enthousiaste à abandonner ses plans chimériques, sans diminuer pourtant en rien sa confiance en son talent.)

Ma controverse manqua cependant son effet sur lui : il devint chagrin, mais il ne m’accorda aucune foi. Je continuai en lui demandant à quels moyens il prétendait avoir recours pour se faire, en attendant, un commencement de réputation qui put lui être de quelque utilité dans la mise à exécution de l’important projet qu’il venait de me communiquer.

Ma question sembla dissiper sa mauvaise humeur.

— Ecoute donc bien, me répondit-il : tu sais que depuis longtemps je me suis adonné avec amour à la musique instrumentale. Ici, à Paris, où l’on semble avoir voué un véritable culte à notre Beethoven, j’ai quelque lieu d’espérer que le