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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

ments des exécutants ; à guetter le moment où le timbalier, après avoir scrupuleusement compté les pauses, se dispose enfin à prendre sa part de la fête, et à faire gronder son instrument sous quelques coups vigoureux. Rien de plus prosaïque, rien qui désillusionne plus que les joues bouffies, les traits grotesquement contractés du trombone ou du cor, les mouvements saccadés des mains qui grimpent le long des chanterelles, des basses et des violoncelles, ou même l’éternel va et vient, de l’archet des violons. Voilà pourquoi nous avions choisi une place, où sans rien perdre des nuances les plus délicates du jeu des instruments, nous nous épargnions l’aspect de l’orchestre.

On nous donna de fort belles choses, entre autres la symphonie de Mozart en mi bémol et celle de Beethoven en la. Quand le concert fut fini, mon ami resta en face de moi, les bras croisés sur la poitrine, muet, la figure souriante. La foule s’écoulait à petit bruit ; quelques personnes demeurèrent attablées çà et là dans les bosquets ; l’air du soir se refroidissait aux premières bouffées du vent de la nuit.

— Si nous prenions un verre de punch ? dit R… en se levant pour appeler le garçon.

Nous nous trouvions dans une de ces dispositions d’esprit qui sont trop précieuses pour ne pas chercher à les prolonger. Le punch ne pouvait que bien faire, et nous maintenir dans notre