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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/211

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UNE SOIRÉE HEUREUSE

— Mes sensations ? Que veux-tu que je t’en dise ? Je respirais avec bonheur l’air tiède d’une soirée de printemps ; il me semblait que j’étais assis sous un grand chêne, et qu’à travers les voûtes de verdure je voyais briller le ciel étoilé ; et puis j’éprouvais encore mille autres choses que je ne saurais exprimer ; et voilà tout.

— Pas mal ; sans doute pendant ce temps-là il semblait à tel de nos voisins qu’il fumait un cigare en prenant sa demi-tasse, et qu’il échangeait des œillades avec une jeune dame en robe bleue.

— Assurément, reprit R… d’un air sarcastique. Et le timbalier donc ! celui-là, j’en suis sûr, se figurait qu’il battait ses enfants mal appris qui tardaient à lui apporter son souper. C’est parfait ! À l’entrée du jardin, j’ai entrevu un paysan qui écoutait avec admiration et bonheur la symphonie en la. Je gage ma tête que c’est lui qui en aura eu l’intelligence la plus complète. Tu sais, sans doute, que naguère une de nos gazettes musicales disait que Beethoven, en écrivant cette symphonie, ne se proposait autre chose que de peindre une noce de village ; et le brave campagnard se sera de suite rappelé le jour de ses noces et les divers actes de cette grande journée, tels que : l’arrivée des invités, le repas, la bénédiction à l’église, les danses, et enfin les mystères de la chambre nuptiale.

— L’idée est assez plaisante, m’écriai-je en