riant. Mais pourquoi, au nom du ciel, ne veux-tu pas que cette symphonie procure au bon paysan un instant de bonheur à sa façon ? N’a-t-il pas, toute proportion gardée, ressenti le même ravissement au fond du cœur que toi avec ton grand chêne et ton ciel étoile scintillant dans la feuillée ?
— Allons, je me rends, dit R... avec bonhomie ; c’est de tout cœur que je permets à l’homme des champs de se rappeler le jour de ses noces en écoutant la symphonie en ré mais quant aux gens instruits de nos villes qui écrivent dans les gazettes musicales, je serais tenté de leur casser la tête pour leur apprendre à faire circuler de pareilles niaiseries parmi les honnêtes gens, et à leur ravir ainsi d’avance l’indépendance d’esprit avec laquelle ils auraient écouté l’œuvre de Beethoven. Au lieu de s’abandonner à la naïveté spontanée de leurs propres impressions, ces braves gens, indignement abusés, au cœur plein et à la tête un peu faible, s’obstineront à chercher la noce de village dont on leur a parlé, solennité à laquelle, par parenthèse, ils n’ont jamais assisté, et à la place de laquelle ils se seraient peut-être figuré toute autre chose, en restant dans la sphère habituelle de leur imagination.
— Tu m’accordes donc, repris-je, que ces symphonies, par leur essence, n’excluent pas la possibilité d’interprétations diverses ?
— Au contraire, je suis persuadé qu’une expli-