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DE LA MUSIQUE ALLEMANDE

leurs difficultés, à des artistes spéciaux), sont sans contredit l’œuvre la plus accomplie de musique vocale que nous possédions en Allemagne. Outre l’application merveilleuse des plus riches ressources de la théorie, toutes ces compositions respirent une intelligence profonde, naturelle et souvent poétique du texte, tout à fait conforme au dogme protestant. Et de plus, le tissu délicat de leur forme extérieure est tellement parfait et original, qu’on ne saurait rien mettre en parallèle. Les mêmes qualités se retrouvent au même degré, sur une échelle plus vaste, dans les grands oratorios et dans les passions, compositions spéciales consacrées à la célébration des souffrances de Jésus-Christ, d’après la version des évangiles. Le texte est donc invariable, mais dans certains passages des chapitres principaux, ayant trait aux circonstances les plus touchantes du récit sacré, Sébastien Bach fait intervenir une sorte de choral que doit exécuter toute l’assistance. C’est ce qui fait de ces passions de graves solennités, où le peuple prend autant de part que les interprètes de l’art musical. Il est difficile d’exprimer en effet tout ce que ces chefs-d’œuvre magnifiques renferment de grandeur et de majesté, alliées à une pureté, de goût, à une suavité religieuse incomparables. On peut dire qu’en eux sont concentrés toute l’inspiration et le génie allemands ; et j’ai déjà dit, à l’appui de cette assertion, qu’il ne fallait en rechercher la source