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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

repartit l’Anglais, et dignes de la belle symphonie de Beethoven. Frappé à mon endroit sensible, je demandai à l’Anglais s’il faisait aussi de la musique. — Yes ! me dit-il, je joue de la flûte deux fois par semaine, le jeudi je donne du cor de chasse, et le dimanche je compose. » Voilà, me dis-je, un temps bien employé ! Jamais je n’avais entendu parler d’artiste anglais en tournée, et je jugeai que celui-ci devait faire de bien bonnes affaires pour courir le pays en si brillant équipage. — Vous êtes donc musicien de profession ? lui dis-je. Il me fit longtemps attendre sa réponse ; enfin il me dit, en appuyant lentement sur ses paroles, qu’il avait beaucoup d’argent. Je compris soudain ma méprise, et je vis bien que ma question l’avait choqué. Je dissimulai mon embarras en gardant le silence, et je terminai à l’écart mon modeste repas. L’Anglais, qui m’avait considéré de nouveau avec attention, se rapprocha de moi et me dit : — Connaissez-vous Beethoven ? — Je ne suis pas encore allé à Vienne, répondis-je, mais je m’y rends actuellement, et c’est précisément pour satisfaire mon ardent désir de voir cet illustre maître. — D’où venez-vous ? ajouta-t-il. — De la ville de L... — Oh ! ce n’est pas loin ; moi, je viens d’Angleterre, et c’est aussi dans l’unique but de connaître la personne de Beethoven. Eh bien ! nous le visiterons ensemble. C’est un bien grand compositeur !

Quelle bizarre rencontre ! dis-je en moi-même.