Page:Wagner - L’Anneau du Nibelung, trad. Ernst.djvu/215

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au net de sa propre main et confiés par lui à des amateurs ou à des chanteurs professionnels. Bref, il nous est possible d’offrir aujourd’hui au public l’œuvre intégrale, l’œuvre intacte d’Alfred Ernst. Nous n’ignorons pas qu’avec les infinies ressources de son érudition et de sa patience, le sagace traducteur eût encore trouvé moyen de la perfectionner. Nous n’avons songé, quant à nous, qu’à donner son texte, bien supérieur, à notre avis, à tout autre texte de version composé pour s’adapter à la musique des mêmes drames.

En tête de ses traductions des Maîtres-Chanteurs, de l’Or du Rhin et de la Walkyrie, Alfred Ernst a mis des préfaces très simples, très fortes et très belles, résumant ses principes en matière de transposition d’un poëme à chanter d’une langue dans une autre. Ces pages sont à relire, et mieux encore, à méditer. Mais j’ai découvert, parmi les notes de l’écrivain, une sorte de mémento personnel extrêmement curieux et qu’il me paraît utile de faire connaître. Voici ce document :

« Une version wagnérienne est une œuvre de foi, une œuvre de sacrifice — d’absolu dévouement à l’idée. Qui s’attaque à une telle entreprise en d’autres dispositions ne la conduira pas à bonne fin.

« — Une version à chanter, écrite d’après un original qui se chante, n’a sa vraie valeur que par le chant lui-même et à l’audition. Les mots et les phrases d’une traduction équirythmique sont analogues aux plombs grossiers qui cernent les figures d’un vitrail. Ces plombs ne valent que par les verres de couleur qu’ils enchâssent et qu’ils répartissent. Si on les considère en eux-mêmes, dépouillés des verres splendides, ils n’ont aucune beauté. Pourtant, ils sont indispensables. Ils sont les linéaments de la beauté sans la vie. C’est la lumière, c’est la couleur, c’est le chant qui donne la vie.