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imagination étonnamment active, une imagination capable de les ravir aux petites réalités de l’existence commune et de les transporter d’un seul coup dans un lointain et rayonnant avenir ; tous deux étaient possédés de cet « esprit toujours insatisfait, toujours en quête de choses nouvelles » qui est le don de tout ce qu’il y a de grand, de génial dans l’humanité. Mais Bakounine, attiré par les décevants mirages de l’action extérieure, s’était jeté dans le courant tumultueux de la vie politique, et incessamment balloté, se heurtant à de continuels obstacles, entraîné de ci de là, il allait de l’avant sans pouvoir s’arrêter un instant, sans pouvoir se rendre compte jamais de sa véritable position, obéissant à son impulsion première, à l’instinctive impulsion qui le poussait plus loin, plus loin toujours. Wagner plus heureux vivait surtout intérieurement, et ses souffrances n’étaient pas vaines, car il pouvait se réaliser complètement, harmoniquement dans son œuvre, il pouvait déposer en elle la plus pure essence de son être, La force qu’il sentait en lui surabondante et qui demandait à s’épandre au dehors, il pouvait la renfermer là dans cette œuvre, avec la certitude qu’elle en surgirait pour se manifester dans toute sa puissance le jour où il y aurait un public capable de la comprendre.

Un goût commun rapprochait encore ces