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deux hommes : Bakounine était passionné de la musique. Malgré le danger qu’il y avait pour lui suspect, qui vivait à Dresde sous un nom d’emprunt, à se montrer en public, il assista le dimanche des Rameattx (1er Avril 1849) à l’exécution de la IXème symphonie de Beethoven dirigée par Wagner. L’enthousiasme qu’il démontrait pour cette œuvre enchantait Wagner ; dans une de leurs conversations intimes, où ils parlaient de la révolution rêvée, Bakounine s’était écrié « Tout, tout s’effondrera, plus rien ne restera debout, — une seule chose ne disparaîtra pas, mais demeurera : la IXe symphonie. » Une semblable parole devait établir entre ces deux âmes une communion profonde et les unir momentanément dans le désir d’un monde nouveau dont elles se sentaient alors si proches.

Mais les voies de ces deux hommes étaient si différentes qu’elles ne pouvaient courir longtemps dans des directions parallèles. Ils s’étaient rencontrés par hasard, ils s’étaient reconnus peut-être, et certes leur rencontre n’avait pas été sans leur causer une joie intérieure. On ne peut dire qu’ils eurent une influence quelconque l’un sur l’autre : leurs caractères étaient trop nettement délinéés et leurs façons de considérer la vie trop diverses pour qu’une action réciproque fût, en un court laps de temps, possible. Nous savons