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re évidemment heureuse pour convertir les païens le précepte : « soyez prudents comme les serpents, etc. » ; il peut également éprouver le terrain historique, caractérisé par le plus profond et le plus général abaissement du genre humain civilisé, d’où la plante du dogme chrétien finalement achevé surgit fécondée. Mais ce que l’artiste probe reconnaît du premier coup d’œil, c’est que le christianisme n’était pas de l’art et ne pouvait en aucune manière donner naissance au véritable art vivant.

Le Grec libre qui se plaçait au sommet de la nature pouvait, de la joie de l’homme intérieur, créer l’Art : le chrétien, qui rejetait également la nature et lui même, ne pouvait sacrifier à son dieu que sur l’autel du renoncement, il ne pouvait lui porter en don ce qu’il faisait, ce qu’il produisait, mais il croyait se le devoir rendre favorable en s’abstenant de toute création personnelle hardie. L’Art est la plus haute activité de l’homme physiquement bien développé, en harmonie avec lui-même et avec la nature; l’homme doit éprouver vis-à-vis du monde physique la plus haute joie, s’il veut en tirer l’instrument d’art ; car ce n’est que du monde physique seul qu’il peut prendre la volonté de faire œuvre d’art. Le Chrétien, s’il avait voulu réellement créer l’œuvre d’art correspondante à sa croyance, aurait au