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Page:Wagner - La Tétralogie de l’Anneau du Nibelung, trad. Louis-Pilate de Brinn’Gaubast et Edmond Barthélemy, Dentu, 1894.pdf/14

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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

tenant on peut apprécier cet ouvrage d’après les lois les plus rigoureuses qui découlent de mes affirmations théoriques[1] », il n’en était pas moins amené à cette immédiate restriction : « Non pas qu’il ait été modelé sur mon « système »[2], car j’avais alors oublié toute théorie… Il n’y a pas de félicité supérieure à cette parfaite spontanéité de l’artiste dans la création, et je l’ai connue, cette spontanéité, en composant mon Tristan. Peut-être la devais-je à la force acquise dans la période de réflexion qui avait précédé[3] ». Très juste vue ! C’est qu’en effet, lorsque Richard Wagner se mit à son Tristan, accomplie était pour jamais l’évolution de son esthétique, évolution déterminée par la conception de la Tétralogie[4]. Si donc le Poète-Musicien, dans une traduction de ses poèmes, voyait avant tout, comme je l’ai montré, le moyen de rendre plus facile à des Français l’intelligence de ses principes ; si d’autre part Tristan, conforme à ces principes, n’en avait pas moins été composé dans « la plus entière liberté, la plus complète indépendance de toute préoccupation théorique[5] », on saisit instantanément quels motifs purent pousser l’artiste à désirer, à proposer : une traduction française de L’Anneau du Nibelung ; quels motifs (si alors elle eût été possible) la lui

  1. Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LV
  2. Cf. ci-dessus, p. 9, note (1).
  3. Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LV.
  4. « Mes conclusions les plus hardies, relativement au drame dont je concevais la possibilité, se sont imposées à moi parce que, dès cette époque, je portais dans ma tête le plan de mon grand Drame des Nibelungen, dont j’avais même déjà écrit le poème en partie ; et il avait, dès lors, revêtu dans ma pensée une forme telle, que ma théorie n’était guère autre chose qu’une expression abstraite de ce qui s’était développé en moi comme production spontanée. » Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LIV. – J’y reviendrai ci-dessous, p. 77.
  5. Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LV.,