Page:Wagner - La Tétralogie de l’Anneau du Nibelung, trad. Louis-Pilate de Brinn’Gaubast et Edmond Barthélemy, Dentu, 1894.pdf/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

d’étude tels panégyriques sur mesure d’apologistes sur commande, improvisés admirateurs au lendemain de ce désarmement ? Nommerons-nous éléments d’étude les « morceaux-choisis » pour concerts, voire les « morceaux-choisis » pour soirée d’Opéra, qu’on ose, avec tranquillité, proposer au Public français comme révélateurs d’Œuvres d’Art prétendant à bon droit chacune, d’un bout à l’autre, eussent-elles trois actes, eussent elles treize actes[1], à la même égale attention ? Éléments d’étude révélateurs certes, s’ils n’étaient amputés d’organismes vivants, d’ensembles dramatiques dont la Langue, la Métrique, – la Poésie, la Symphonie, – la Plastique, et la mise en scène, réagissent les unes sur les autres, indivisiblement unies, le mot complété par la note, la note complétée par le geste, et tout, depuis l’idée générale jusqu’au plus minime détail matériel, se correspondant, se tenant à tel point, que les défauts, – sans lesquels il n’est point de vrai chef-d’œuvre, – les défauts même, on l’a pu dire, font intégrante partie du Drame, s’imposent à notre admiration, par leur caractère de nécessité ! Pour ma part, je déclare que des « morceaux-choisis », quand bien même ils consisteraient en un quart de Drame comme La Valkyrie (un quart dénaturé lui-même par d’inintelligentes coupures, et par quel système de représenta-

  1. La Tétralogie a treize actes, dont quatre pour le Rheingold et trois pour chacune des autres « Journées ». Il serait d’un noir comique que la superstition fût pour rien dans les déraisons (car on ne peut nommer cela « raisons ») qui empêchent nos théâtres de nous jouer l’œuvre en sa totalité parfaite. Il est vrai qu’en ce cas, s’ils y tenaient vraiment, nous aurions de quoi les rassurer : L’Or-du-Rhin n’est en somme qu’un acte en quatre « Scènes » (en quatre « Tableaux » , si l’on veut), lesquelles, reliées l’une à l’autre, ainsi qu’on s’en pourra convaincre à la lecture, par un interlude musical et un simple mouvement progressif du décor, sont jouées et doivent l’être sans interruption, comme les tragédies helléniques.