Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/61

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cet homme pâlit nécessairement toute la splendeur des dieux ! Ce qui me frappe le plus, c’est ta question : Pourquoi, puisque l’or est rendu au Rhin, les dieux doivent-ils néanmoins périr? Je crois que, moyennant une bonne représentation, le spectateur le plus naïf n’éprouvera pas le moindre doute à ce sujet. Bien entendu, la destruction finale ne se déduit pas de contrepoints : ceux-ci, on pourrait, cela va sans dire, les interpréter, les retourner et les détourner, — il suffirait d’un politicien avocat pour cette besogne ; c’est simplement de notre sentiment intime que doit naître, — comme cela a lieu pour Wodan, — la nécessité de l’anéantissement. C’est là ce qui importait : justifier par le sentiment cette nécessité; et c’est ce qui arrive tout naturellement, quand on suit avec sympathie, du commencement à la fin, le développement de l’action avec tous ses motifs simples et naturels; lorsque, finalement, Wodan exprime cette nécessité, il doit exprimer tout uniment ce que nous tenons déjà pour inéluctable. Quand, à la fin de l’Or du Rhin, s’adressant aux dieux qui entrent dans le Walhall, Logue leur dit : « Ils vont à leur perte, ceux qui se croient si forts dans leur stabilité » , il ne fait que manifester notre propre impression, car, si l’on a suivi avec attention ce prologue, sans subtiliser, sans trop peser, en laissant les événements agir sur son sentiment, on donnera raison à Logue.