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Page:Wagner - Lettres à Auguste Rœckel, 1894, trad. Kufferath.djvu/62

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Laisse-moi te parler encore de Brunnhilde. Tu la méconnais aussi, après tout, quand tu trouves qu’elle se montre dure et obstinée en refusant à Wodan de lui céder l’anneau (1). N’as- tu pas oublié que Brunnhilde s’est séparée de Wodan et de tous les dieux, pour obéir à l’amour, parce que, — lorsque Wodan combinait des plans, — elle aimait ? Depuis que Siegfried l’a réveillée, elle n’a point d’autre savoir que le savoir de l’amour. Eh bien, le symbole de cet amour, c’est, — lorsque Siegfried la quitte, — cet anneau : quand Wodan le lui réclame, elle n’a plus présent à l’esprit que ce qui l’a séparée de Wodan (parce qu’elle a agi par amour) ; elle ne sait plus qu’une chose, qu’elle a renoncé à sa divinité pour obéir à l’amour. Mais elle sait aussi que l’amour est la seule chose divine ; périsse donc la splendeur du Walhall, l’Anneau — (l’Amour), — elle ne le sacrifiera pas. Je te le demande, combien ne paraîtrait-elle pas misérable, avare et banale, si elle refusait de céder l’anneau, parce que (peut-être par Siegfried) elle aurait appris le charme dont il est revêtu, parce qu’elle aurait connu la puissance de l’or? C’est un sentiment que tu ne peux vraiment supposer à cette admirable femme ? — Si tu frissonnes, au contraire, en voyant qu’elle garde précieusement le symbole de l’amour justement dans cet anneau maudit,

(1) Allusion à la scène de Waltraute (acte 1) du Crépuscule des dieux.