Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/13

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— V —

pourquoi le problème en question ne pouvait, se dresser si impérieusement que devant un auteur allemand.

En Italie, où s’est constitué d’abord l’opéra, quelle était la mission unique du musicien ? Il avait à écrire pour tels ou tels chanteurs, chez qui le talent dramatique n’avait qu’une place tout à fait secondaire, des airs destinés exclusivement à fournir à ces virtuoses l’occasion de déployer leur habileté. Poëme et scène n’étaient qu’un prétexte, ne servaient qu’à prêter un temps et un lieu à cette exhibition de virtuoses ; la danseuse alternait avec la chanteuse, elle dansait ce que la première avait chanté ; et le compositeur avait, pour tout emploi, à fournir des variations d’un type d’airs déterminé. Ici régnait, vous le voyez, la plus complète harmonie, et jusque dans le plus mince détail : le compositeur écrivait pour tels ou tels chanteurs, et l’individualité de ceux-ci lui indiquait le caractère des variations d’airs qu’il avait à fournir. L’opéra italien était ainsi devenu un genre à part, qui n’avait rien à faire avec le drame véritable, et restait particulièrement étranger à la musique même. Du développement de l’opéra en Italie date, pour le connaisseur, la décadence de la musique italienne. L’évidence de cette assertion frappera tout esprit qui possède une idée exacte de la sublimité, de la richesse, de l’incomparable profondeur d’expression de la musique d’église en Italie, dans les siècles précédents ; qui pourrait par exemple, après avoir entendu le Stabat Mater de Palestrina, tenir la musique italienne d’opéra pour une fille légitime de cette admirable mère ? Ceci dit en passant, je note, en vue du but que je me propose, ce seul point