Aller au contenu

Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— IV —

lières qui le régissent, pour voir ses propres conceptions réalisées. Si les tendances du poëte sont en parfait accord avec celles du théâtre, il ne saurait être question du conflit que j’ai signalé, et la seule chose à considérer, pour apprécier la valeur de l’œuvre produite et exécutée, c’est le caractère de cet accord. Si ces tendances sont au contraire radicalement divergentes, on comprend sans peine l’extrémité fâcheuse où l’artiste est réduit : il se voit forcé d’employer, pour exprimer ses idées, un organe destiné, dès l’origine, à des buts différents du sien.

Obligé de m’avouer que je me trouvais dans une situation pareille, force a été pour moi, à une certaine époque de ma vie, de faire une halte dans une carrière de production plus ou moins spontanée ; il m’a fallu de longues réflexions pour sonder les motifs de cette situation énigmatique et m’en rendre compte. J’ose m’imaginer que jamais artiste ne sentit peser aussi lourdement sur lui la nécessité de sortir de ce problème ; car jamais éléments aussi divers, aussi particuliers, ne s’étaient trouvés mis en jeu : la poésie et la musique d’une part, la scène lyrique de l’autre, c’est-à-dire l’institution publique artistique la plus équivoque, la plus discutable de notre temps, le théâtre d’opéra ; voilà ce qu’il s’agissait de concilier.

Laissez-moi vous signaler d’abord une différence fort grave à mes yeux, entre la situation des auteurs d’opéras vis-à-vis du théâtre en France et en Italie, et leur situation en Allemagne ; cette différence est si importante, que vous saisirez facilement, dès que je l’aurai définie.