Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/18

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ractère lui semblait problématique, qui ne cessait de l’attirer et de le repousser en même temps, et dont il jugeait les formes absolument insuffisantes, l’opéra, enfin, devait nécessairement voir s’ouvrir devant lui une direction idéale. C’est ici que réside la signification propre des efforts de l’Allemagne, et non-seulement en musique, mais à peu près dans tous les arts. Permettez-moi, Monsieur, de m’arrêter un instant sur ce point.

On ne saurait contester que les nations romanes de l’Europe n’aient depuis longtemps acquis une grande supériorité sur les nations germaniques ; je parle de la perfection de la forme. L’Italie, l’Espagne, la France avaient atteint à cet agrément dans les formes qui répondaient à leur caractère, et la vie tout entière, aussi bien que l’art, avait revêtu cette élégance, passée à l’état de loi ; mais l’Allemagne était restée à cet égard dans un état d’anarchie incontestable, et les efforts qu’on y faisait pour s’approprier des formes étrangères ne paraissaient, au lieu de la dissimuler à grand’peine, qu’augmenter cette anarchie. L’évidente infériorité où la nation allemande était tombée pour tout ce qui concerne la forme (et qu’est-ce qui ne la concerne pas ?) retarda si longtemps aussi, par une conséquence naturelle, le développement de l’art et de la littérature en Allemagne, que jusqu’à la seconde moitié du dernier siècle il ne s’y était pas produit un mouvement pareil à celui que les nations romanes avaient vu s’accomplir dès le commencement de la Renaissance. Ce mouvement en Allemagne ne pouvait guère avoir au début d’autre caractère que celui d’une réaction contre les formes étrangères qu’on défi-