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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/17

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— IX —

qui l’ont élevée à la place que tout le monde lui reconnaît.

Le musicien allemand, dont les yeux, quittant le domaine qui lui était propre, celui de la musique chorale et instrumentale, se portaient sur la musique dramatique, ne trouvait pas dans l’opéra une forme achevée, imposante, d’une perfection relative qui lui pût servir de modèle, comme il en trouvait dans les autres genres de musique. Il trouvait dans l’oratorio, dans la symphonie surtout, une forme noble et achevée ; l’opéra lui offrait au contraire un amas confus et sans lien de formes non développées ; sur ces formes il voyait peser une convention qu’il ne pouvait comprendre et qui étouffait toute liberté de développement. Pour bien saisir ce que je veux dire, comparez la richesse infinie, prodigieuse du développement dans une symphonie de Beethoven avec les morceaux de musique de son opéra de Fidelio ; vous comprenez sur-le-champ combien le maître se sentait ici à l’étroit, combien il étouffait, combien il lui était impossible d’arriver jamais à déployer sa puissance originelle ; aussi, comme s’il voulait s’abandonner une fois au moins à la plénitude de son inspiration, avec quelle fureur désespérée il se jette sur l’ouverture, et y ébauche un morceau d’une ampleur et d’une importance jusque-là inconnue ! Cet unique essai d’opéra le laisse plein de dégoût ; il ne renonce pas toutefois au désir de trouver enfin un poëme qui ouvre une libre carrière au déploiement de sa puissance musicale. L’idéal flottait devant sa pensée. Oui, le musicien allemand, après avoir poursuivi ce genre dont le ca-