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de rares et malheureuses exceptions, un vrai poëte n’a-t-il rien voulu avoir à faire avec l’opéra.

La question est maintenant de savoir comment le musicien eût pu donner à l’opéra sa signification idéale, si le poëte ne peut, dans la part réelle qu’il y prend, maintenir les exigences auxquelles toute pièce dramatique raisonnable est tenue de satisfaire. Devait-on l’attendre du musicien, qui sans cesse et uniquement préoccupé du perfectionnement des formes purement musicales, ne voyait autre chose dans l’opéra qu’un champ où déployer son propre talent ? Il y avait quelque chose de contradictoire et d’absurde à concevoir une pareille attente du musicien, et c’est ce que j’ai, je crois, assez correctement démontré dans la première partie de mon écrit Opéra et Drame. En m’exprimant sur ce que de grands maîtres ont produit sur ce terrain de beautés entraînantes, je pouvais mettre en lumière les côtés faibles de leurs œuvres sans porter aucune atteinte à leur renommée établie, car je trouvais la cause de ces imperfections dans le vice radical du genre lui-même ; mais le point qui m’intéressait surtout après une exposition de cette nature, toujours un peu fâcheuse, était de prouver que cette perfection idéale de l’opéra, rêve de tant d’esprits supérieurs, supposait une première condition : c’était que la coopération du poëte changeât totalement de caractère.

Dans cette pensée, j’essayais de montrer que ce rôle du poëte dans l’opéra, rôle décisif à mes yeux, il l’acceptait volontiers, il y aspirait lui-même, et pour cela j’invoquais surtout les espérances des grands poètes