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indiquées plus haut, leurs désirs manifestés si souvent et avec tant de force de voir l’opéra élevé à la hauteur d’un genre idéal. Je cherchais ce que voulaient dire ces espérances obstinées ; j’en trouvais, à ce qu’il me semblait, l’explication dans un penchant naturel au poète et qui domine chez lui la conception comme la forme ; ce penchant est d’employer l’instrument des idées abstraites, la langue, de telle sorte qu’elle agisse sur la sensibilité elle-même. Cette tendance est manifeste dans l’invention du sujet poétique ; le seul tableau de la vie humaine qui soit appelé poétique est celui où les motifs qui n’ont de sens que pour l’intelligence abstraite font place aux mobiles purement humains qui gouvernent le cœur. La même tendance est la loi souveraine qui préside à la forme et à la représentation poétique. Le poëte cherche, dans son langage, à substituer à la valeur abstraite et conventionnelle des mots leur signification sensible et originelle ; l’arrangement rhythmique et l’ornement (déjà presque musical) de la rime, lui sont des moyens d’assurer au vers, à la phrase, une puissance qui captive comme par un charme et gouverne à son gré le sentiment. Essentielle au poëte, cette tendance le conduit jusqu’à la limite de son art, limite que touche immédiatement la musique ; et par conséquent l’œuvre la plus complète du poète devrait être celle qui, dans son dernier achèvement, serait une parfaite musique.

De là, je me voyais nécessairement amené à désigner le mythe comme matière idéale du poète. Le mythe est le poëme primitif et anonyme du peuple, et nous le trouvons à toutes les époques repris, remanié sans cesse