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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/41

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plus noble organe de la musique, elle avait acquis, néanmoins, pour l’oreille une grâce de coloris, une suavité de sons inconnue jusque-là aux maîtres allemands et qui manquait à leurs mélodies instrumentales. Ce fut Mozart qui, pénétré de ce charme, parvint en même temps à donner à l’opéra italien le riche développement de la musique instrumentale allemande, et à la mélodie de l’orchestre, toute la douceur de l’air chanté italien. Les deux maîtres Haydn et Mozart transmirent leur héritage déjà si riche et si plein de promesses à Beethoven ; et celui-ci porta la symphonie à une telle largeur et à une telle puissance de forme, il remplit cette forme d’une si grande et si irrésistible variété de richesses mélodiques, que la symphonie de Beethoven se dresse aujourd’hui devant nous comme une colonne qui indique à l’art une nouvelle période ; car avec cette symphonie a été enfantée au monde une œuvre à laquelle l’art d’aucune époque ni d’aucun peuple n’a rien à opposer qui en approche ou qui y ressemble.

Les instruments parlent dans cette symphonie une langue dont aucune époque n’avait encore eu connaissance ; car l’expression, purement musicale jusque dans les nuances de la plus étonnante diversité, enchaîne l’auditeur pendant une durée inouïe jusque-là, lui remue l’âme avec une énergie qu’aucun autre art ne peut atteindre ; elle lui révèle dans sa variété une régularité si libre et si hardie, que sa puissance surpasse nécessairement pour nous toute logique, bien que les lois de la logique n’y soient nullement contenues, et qu’au contraire la pensée rationnelle qui procède par principe et consé-