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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/48

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parais par là les fatigues de ma pénible excursion sur le domaine de la théorie spéculative, je jouissais d’un calme si parfait que les absurdes malentendus auxquels mes écrits théoriques donnèrent lieu presque partout ne purent même pas me ramener sur ce terrain. Tout à coup mes relations avec le public prirent un autre tour sur lequel je n’avais pas compté le moins du monde : mes opéras se répandaient.

De ces opéras, il en était un, Lohengrin, à l’exécution duquel je n’avais pris aucune part ; je n’avais fait représenter les autres qu’au théâtre où je remplissais moi-même une fonction ; et cependant ils se répandaient avec un succès croissant, passant d’un théâtre à l’autre, puis enfin sur tous les théâtres en Allemagne, et ils y avaient acquis une popularité soutenue et incontestable. Ce fait me causait au fond une étrange surprise ; mais il me permit de faire encore des observations qui s’étaient déjà fréquemment présentées à moi dans ma carrière active, et qui, faisant équilibre à la répugnance qui m’éloignait de l’opéra, m’y ramenaient et m’y attachaient sans cesse. Quelques exécutions d’une perfection peu commune et l’effet qu’elles avaient produit me révélaient, en effet, des exceptions et des possibilités qui, comme je vous l’ai indiqué, me faisaient concevoir des projets d’une portée tout idéale. Je n’avais assisté à aucune de ces nombreuses exécutions de mes opéras ; je ne pouvais me faire une idée de l’esprit qui y présidait que sur le rapport d’amis intelligents et par le succès caractéristique que ces exécutions obtenaient auprès du public. L’idée que pouvaient m’en faire concevoir les rela-