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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/47

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institutions, particulièrement des théâtres d’opéra, ne me permettait pas de montrer avec une clarté qui eût forcé la conviction, par l’exécution immédiate d’une œuvre d’art. Je me sentais vivement aiguillonné à sortir de ces angoisses et à revenir à l’exercice normal de mes facultés d’artiste. J’ébauchai et je réalisai un plan dramatique de proportions si vastes que, ne suivant que les exigences de mon sujet, je renonçai de parti pris, dans cet ouvrage, à toute possibilité de le voir entrer jamais, tel qu’il est, dans notre répertoire d’opéra. Il eût fallu des circonstances extraordinaires pour que ce drame musical, qui ne comprend rien moins qu’une tétralogie complète, pût jamais être exécuté en public. Je concevais fort bien que la chose fût possible, et c’était assez, en l’absence absolue de toute idée de l’opéra moderne, pour flatter mon imagination, élever mes facultés, me débarrasser de toute fantaisie de réussir au théâtre, me livrer à une production désormais non interrompue, et me décider à suivre complètement, comme pour me guérir des souffrances cruelles que j’avais endurées, ma propre nature. L’ouvrage dont je vous parle, et dont la composition musicale est déjà depuis longtemps achevée aussi en grande partie, a pour titre : « l’Anneau du Nibetung. » Si la tentative que je fais aujourd’hui de vous présenter mes autres poèmes d’opéra dans une traduction en prose ne vous déplaît pas, peut-être serais-je disposé à renouveler cet essai pour ma tétralogie.

Tandis qu’ainsi parfaitement résigné à m’interdire désormais toutes relations d’artiste avec le public, j’étais tout entier à l’exécution de mes nouveaux plans, et ré-