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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/58

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d’où résulte cette sorte de clairvoyance, vous n’avez maintenant aucune peine à le comprendre.

Ainsi le caractère légendaire du sujet assure dans l’exécution, par la raison que je viens de dire, un avantage du plus haut prix : car, d’une part, la simplicité de l’action, sa marche dont l’œil embrasse aisément toute suite, permet de ne pas s’arrêter du tout à l’explication des incidents extérieurs, et elle permet, d’autre part, de consacrer la plus grande partie du poëme à développer les motifs intérieurs de l’action, parce que ces motifs éveillent au fond de notre cœur des échos sympathiques.

Au premier coup d’œil que vous jetterez sur l’ensemble des poëmes réunis ici, vous remarquerez que l’avantage dont je viens de parler ne s’est révélé à moi que par degrés, et que j’ai appris aussi, peu à peu, à en tirer parti. L’accroissement de volume matériel, dans chaque poëme, justifie déjà cette observation. Vous verrez bientôt que le préjugé qui m’empêchait, au début, de donner à la poésie un développement plus large, provenait spécialement de ce que j’étais encore beaucoup trop préoccupé de la forme traditionnelle de la musique d’opéra ; car cette forme avait jusqu’ici rendu impossible un poëme qui aurait exclu de nombreuses répétitions des mêmes paroles. Dans le Vaisseau Fantôme, la seule chose queje me fusse proposée principalement était de ne pas sortir des traits les plus simples de l’action, de bannir tout détail superflu et toute intrigue empruntée à la vie vulgaire, et en revanche de développer davantage les traits propres à mettre dans son vrai jour le coloris caractéristique du sujet légendaire ; ce coloris me sem-