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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/59

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blait en effet complètement approprié aux motifs internes de l’action, et par conséquent s’identifier avec l’action même.

Vous trouverez, je crois, déjà beaucoup plus de force dans le développement de l’action du Tannhœuser par des motifs intérieurs. La catastrophe finale naît ici sans le moindre effort d’une lutte lyrique et poétique où nulle autre puissance que celle des dispositions morales les plus secrètes n’amène le dénoûment, de sorte que la forme même de ce dénoûment relève d’un élément purement lyrique.

L’intérêt du Lohengrin repose tout entier sur une péripétie qui s’accomplit dans le cœur d’Elsa et qui touche à tous les mystères de l’âme. La durée d’un charme qui répand une félicité merveilleuse et remplit tout de la sécurité la plus entière, dépend d’une seule condition, c’est que jamais ne soit proférée cette question : « D’où viens-tu ? » Mais une profonde, une implacable détresse arrache violemment d’un cœur de femme cette question comme un cri, et le charme a disparu. Vous devinez la liaison particulière de cette question tragique avec le « pourquoi » théorique dont j’ai parlé plus haut.

Je vous l’ai dit, je m’étais senti, moi aussi, entraîné à m’adresser ces deux questions : « D’où, et pourquoi ? » qui avaient fait évanouir pour une longue période le charme de mon art. Mais le temps de ma pénitence m’avait appris à triompher de cette impulsion. Tous mes doutes s’étaient enfin dissipés, lorsque je me mis à mon Tristan. Je me plongeai ici avec une entière confiance dans les profondeurs de l’âme, de ses mystères, et de ce centre