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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/60

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— LII —

intime du monde je vis s’épanouir sa forme extérieure. Un coup d’oeil sur l’étendue de ce poëme vous montre aussitôt que le détail infini auquel le poëte, en traitant un sujet historique, est astreint pour expliquer l’enchaînement extérieur de l’action aux dépens du développement clair des motifs intérieurs, ce détail, dis-je, j’osai le réserver exclusivement aux derniers. La vie et la mort, l’importance et l’existence du monde extérieur, tout ici dépend uniquement des mouvements intérieurs de l’âme. L’action qui vient à s’accomplir dépend d’une seule cause, de l’âme qui la provoque, et cette action éclate au jour telle que l’âme s’en est formé l’image dans ses rêves. Peut-être trouverez-vous que plusieurs parties de ce poëme entrent trop avant dans le détail intime, et si vous consentez à autoriser ce détail chez le poëte, vous aurez peine à comprendre comment il a osé le donner à interpréter et à développer au musicien.

C’est que vous êtes trompé ici par le préjugé où j’étais encore lorsque je conçus le Vaisseau Fantôme, et qui me détermina à esquisser dans le poëme des contours très-généraux, auxquels la musique devait être absolument chargée de donner leur développement et leur forme. Mais à cela je fais immédiatement une réponse : Si dans le Vaisseau Fantôme les vers étaient calculés pour qu’une fréquente répétition des phrases et des paroles, qui étaient le support de la mélodie, donnât au poëme l’extension que réclamait cette mélodie, l’exécution musicale de Tristan n’offre plus une seule répétition de paroles, le tissu des paroles a toute l’étendue destinée à la