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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/75

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— LXVII —

ce travail se peut distinguer déjà, jusqu’à un certain point, de ceux de mes devanciers; permettez-moi de vous indiquer brièvement par quels traits.

Toutes ces idées, qui découlent avec rigueur d’une méthode idéale, se sont présentées assurément depuis longtemps aux grands maîtres. Ce n’est pas non plus la réflexion abstraite qui m’a conduit à ces conséquences, quant à la possibilité d’une œuvre d’art idéale ; elles ont procédé uniquement de ce que j’ai remarqué dans les ouvrages de nos maîtres. Le grand Gluck trouvait encore devant lui l’obstacle de ces formes traditionnelles de l’opéra, raides, étroites, qu’il n’a pas du tout élargies dans leur principe, qu’il a plutôt laissé presque toujours subsister ensemble sans les concilier ; mais déjà ses successeurs sont arrivés pas à pas à les grandir, à les lier entre elles ; aussi, dès qu’une situation dramatique un peu forte les soutenait, ces formes suffisaient parfaitement à ce qui est le but supérieur de l’art. Le grand, le puissant, le beau dans la conception, sont choses qui se rencontrent dans beaucoup d’ouvrages des maîtres célèbres, et il me semble peu nécessaire d’examiner de plus près ces exemples ; mais nul n’est plus heureux que moi de les reconnaître; nul n’est plus ravi de rencontrer parfois, dans les ouvrages les plus faibles de compositeurs frivoles, certains effets qui s’y trouvent, je ne le cache pas ; ces effets m’ont souvent surpris, ils m’ont édifié mieux encore sur la puissance vraiment incomparable de la musique : puissance que je vous ai signalée plus haut et qui, par la précision irrésistible de l’expression mélodique, élève le chanteur le plus destitué