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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/76

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— LXVIII —

de talent si fort au-dessus de ses capacités naturelles, et lui permet de produire un effet dramatique auquel l’artiste le plus habile dans le drame récité ne saurait atteindre. Une seule chose me causait, depuis longtemps, un désespoir qui n’en était que plus profond, c’était de ne jamais voir dans l’opéra les avantages sans pareils de la musique dramatique former un tout vaste et continu, empreint d’un style égal et pur.

Dans des œuvres de premier ordre, je trouvais à côté des plus parfaites et des plus nobles beautés des choses d’une absurdité incompréhensible, qui n’étaient que convention et tombaient jusqu’à la trivialité. Presque partout nous trouvons cette odieuse juxtaposition, qui oppose à toute espèce de grand style un invincible obstacle, du récitatif absolu et de l’air absolu; nous la voyons interrompre, briser la continuité du courant musical, de celui même que comporttî un poëme défectueux ; et avec cela nous voyons dans leurs plus belles scènes nos grands maîtres triompher complètement de cet inconvénient ; déjà ils y donnent au récitatif une signification rhythmique et mélodique, et il se relie d’une façon insensible à l’édifice plus vaste de la mélodie proprement dite. Quand nous avons senti le puissant effet de cette méthode, de quelle impression pénible ne sommes-nous pas affectés, sans pouvoir nous en défendre, lorsque éclate à l’improviste le banal accord qui nous dit : Maintenant, vous allez entendre de nouveau le récitatif tout sec. Puis, avec le même inattendu, l’orchestre tout entier reprend la ritournelle ordinaire pour annoncer l’air, cette même ritournelle, dis-je, qui déjà employée ailleurs par