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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/77

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— LXIX —

le même maître comme transition, d’une manière profondément expressive, déployait à mes yeux une beauté et une plénitude de sens d’où nous recevions, sur le fond de la situation même, la lumière la plus intéressante. Et, lorsque après une de ces fleurs de l’art nous voyons paraître immédiatement un morceau composé pour flatter le goût le plus bas, que n’éprouvons-nous pas ? Quelle déception, lorsque, saisi jusqu’à l’âme par une belle et noble phrase, nous la voyons soudainement déchoir en cadence rebattue avec les deux roulades obligées et l’inévitable note soutenue, et qu’alors le chanteur oublie tout d’un coup ses rapports avec le personnage auquel cette phrase est adressée, s’avance au bord de la rampe et se tourne vers la claque pour lui donner le signal des applaudissements !

Ces dernières inconséquences ne se rencontrent pas, à vrai dire, chez nos vrais grands maîtres ; elles se trouvent plutôt chez des compositeurs dans lesquels nous ne voyons qu’une raison de nous étonner : c’est qu’ils aient pu avec tout cela s’approprier les beautés dont je parlais il y a un instant. Mais ce fait est grave pourtant ; à mon sens, il est triste qu’après tout ce que de grands maîtres ont déjà produit de noble et d’excellent, après qu’ils ont porté par là l’opéra si près d’un style pur et parfait, nous puissions encore avoir le spectacle de pareilles rechutes ; il est triste, le dirai-je ? que l’absurde et le faux puissent gagner du terrain plus que jamais.

On ne peut le nier, le sentiment décourageant du caractère propre au public d’opéra proprement dit, est ici d’un poids capital ; ce caractère finit toujours par être,