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Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/107

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cela avec Wagner, qui devait le savoir bien mieux que moi, mais je lui contai qu’à une époque de grande douleur, quand je croyais que désormais tout était ténèbres pour moi, j’avais entendu la Passion d’après saint Mathieu ; l’exécution n’en était pas parfaite, car Bach alors était à moitié oublié, mais je lui dis comme je m’étais sentie allégée et adoucie, élevée et délivrée, portée comme sur des ailes par-delà la souffrance et la fatalité. « Ô pauvre femme », dit Wagner, pourquoi ne vous ai-je pas fait de musique pendant tout ce temps ? Aujourd’hui même vous aurez ce qui vous fait tant de bien ! » Et il me joua la scène de Tristan et Isolde où la nuit et la mort sont célébrées avec les ineffables aspirations de l’amour. « Les anciens déjà, » dit Wagner, « avaient mis dans la main d’Éros, en sa qualité de génie de la mort, un flambeau renversé. » Dès lors Wagner joua souvent pour me faire plaisir ; il préférait le piano à queue de notre salon au piano droit qui était dans son appartement.

Un matin, des accords puissants pénétrèrent dans ma chambre : j’entrouvris doucement la porte et retins mon souffle pour entendre de plus près ce qui me semblait jaillir de premier jet de l’inspiration du Maître. Pour rien au monde je n’aurais éveillé son attention : il me