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Amitiés sincères à Wille et aux adolescents !

À jamais,

Votre reconnaissant
Richard Wagner

Ne rien ébruiter ! Rien dans les journaux ! Tout est entre nous et doit y rester ! —


Starnberg en Bavière, 26 mai 1864.
Chère, précieuse et vénérée amie !

Je doute que cette lettre vous parvienne encore à Mariafeld, mais je suppose qu’on la fera suivre. À vrai dire, je ne vous écris que pour ne pas laisser germer en vous l’idée que je pourrais être ingrat envers vous. Les horribles douleurs de l’enfantement de mon bonheur, c’est chez vous que je les ai ressenties et c’est vous qui m’avez aidé à l’enfanter ; nous ne voyions et ne sentions que les maux et les angoisses de cet enfantement ; peut-être est-ce chez les mères un cas mortel pendant lequel la pensée de ce qui doit être enfanté, disparait pour un temps, laissant les douleurs pour unique réalité. Mais je comprends à peine comment j’aurais surmonté tout cela et comment, finalement, j’aurais été en état, sans avoir une espérance visible devant moi, de prendre congé de vous dans une disposition d’esprit qui, en somme, était calme et tolérable, si, au plus profond de mon être, je n’avais eu vaguement conscience que mes souffrances inouïes m’avaient acquis un droit de haute portée, un