Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/116

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droit qui, quand bien même il n’aurait pu exercer son action sur le monde, m’aurait élevé d’autant plus audessus du monde et aurait fait de moi, dans mon for intérieur et même dans la plus profonde des misères, un homme consacré et sanctifié.

Que j’ai le droit de coter si haut mes souffrances, vous le savez, amie, vous pouvez en porter témoignage. Pensez jusqu’à quel point j’étais humilié. Je n’aurais pu l’être davantage, n’est-ce pas ? Oui, — j’en étais arrivé là ! — Voyez-vous, chère, précieuse amie, cette extrême humiliation a fini par m’élever, je sentais que, puisque cela était possible, puisque je pouvais supporter cela et pourtant rester doux et bon, c’est que cela devait avoir pour moi une signification plus haute. J’eus la perception rapide comme l’éclair, que le rideau allait se lever soudain, et qu’un bonheur merveilleux devait m’apparaitre. Et vous l’aviez aussi — vous me l’avez dit clairement. — Avouez-le : tous deux nous étions comme inspirés. Amie, voici ce que je veux dire : que le rideau se levât déjà pendant la vie ou seulement après la mort, en vérité, cela m’était égal, mais je savais qu’il se lèverait. — C’est pour cela que je ne m’effrayai point lorsque mon merveilleux bonheur m’apparut — j’en avais été sûr ; seulement, ce qui m’étonna, c’est qu’il vint avec une telle rapidité, justement alors, ce jour même, à cette heure ! L’envoyé était chez moi au moment où m’arrivaient des lettres de Vienne qui m’annonçaient les incidents les plus écœurants, résultant des déplorables démarches faites par les amis à qui j’avais laissé mes pleins pouvoirs ; je me décidai donc à partir sur-le-champ pour Vienne. Mon envoyé m’accompagna jusqu’à Munich où je dus passer