Page:Wagner - Quinze Lettres, 1894, trad. Staps.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les choses de la vie, qui célèbre de temps à autre ses triomphes à la face du fantasque cerveau-brûlé, n’est, à la bien considérer et pour des esprits plus profonds, qu’une des attributions de l’instinct, qui porte l’animal à chercher ce qui est utile et nécessaire au jour le jour ; comme l’esprit plus profond néglige fréquemment et avec intention (afin de pouvoir embrasser un plus vaste horizon) ce nécessaire immédiat, il est traité par ces intelligences pratiques d’insensé et d’ignare. Nous sommes donc forcés de souffrir que le monde, que nous comprenons parfaitement, ne nous comprenne jamais et qu’il se permette de déplorer notre manque d’esprit pratique. Mais quand cet état de choses se fait sentir dans le domaine de la moralité et que le philistin se considère seul comme moral, pour la seule raison qu’il n’a aucune idée de la véritable moralité, n’en ayant pas le sentiment, alors cette condescendance et cet ironique abandon de nos droits à nos adversaires deviennent chose difficile. Mais, — quand une âme féminine est à ce point oublieuse des instincts de l’amour, que, du haut de cette morale philistique, elle se met à juger, à plaindre, et… à exhorter l’objet de son amour, alors la situation n’est plus tenable. C’est devenu mon châtiment que, pour avoir gâté ma propre femme en usant de trop de condescendance à cet égard vis-à-vis d’elle, elle en soit finalement arrivée à ne plus trouver en elle-même un point fixe, qui lui permette de me rendre une ombre de justice. Les conséquences ont suivi…

Où êtes-vous à présent, amie ? Écrivez-moi donc encore une fois. Je suis tout seul ici : il me manque de la société autour de moi, peut-être aurai-je la visite de