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Wagner n’avait pas rencontré chez nous d’adorateurs ; l’occasion manquait à Mariafeld pour que son grand génie musical fût mis en évidence ; ce qu’il y trouvait, c’était de l’amitié et une franche hospitalité ; il s’en contentait et nous oubliions presque qu’il pouvait exiger davantage.

En automne 1852, il nous fit le plaisir de venir se reposer parmi nous après de fatigants travaux ; Herwegh vint alors plus souvent. Les messieurs étaient libres de s’entretenir de philosophie tant qu’ils étaient seuls, mais il était agréable aux dames que les poètes eussent aussi leur tour.

Herwegh louait la langue et la poésie russes ; il connaissait à fond Gogol et Pouschkine. Parmi les poètes anglais, c’était Shelley qu’il préférait, même à Bjron. Calderon, disait-il, était supérieur à Schiller, car l’idée de Schopenhauer était l’âme même de son drame : La Vie, un songe. La recherche des racines primitives devait aussi être fort intéressante, car ce sujet était inépuisable. — C’était une admirable fin d’automne ! J’aime à me rappeler les heures sereines que nous passions en plein air. Dès le matin, Wagner était disposé à se promener ; Herwegh, au contraire, aimait à rester étendu pendant des heures sur un divan, à la