suprêmes, comme les étoiles de l’éther — sont tissues dans un fond sombre. »
Nous nous taisions tous ; Herwegh était là, comme si rien de ce qu’il avait chanté ne le regardait plus. Wagner s’assit au piano et joua de la Neuvième Symphonie :
Joie, tous les êtres t’aspirent !
Ce cri d’allégresse, jeté par les notes aiguës du soprano dans le chant à quatre voix, retentit en moi comme le céleste alleluia de l’âme délivrée. Il me semblait que Herwegh devait être heureux d’être compris dans ce qu’il avait de plus noble.
Ce soir-là on resta longtemps à table. Wagner n’avait pas encore besoin alors, pour calmer ses nerfs, de la demi-bouteille de Champagne obligatoire et Wille ne soutint pas cette fois que Herwegh s’intéressait plus à l’étiquette, qu’au contenu de la bouteille de bordeaux. Ces messieurs ne dédaignaient point les bons crus qui émergeaient du fond de la cave pour fêter le poète.
Ce fut en 1852, à Noël, que Wagner fit la première lecture d’une œuvre gigantesque dont les proportions colossales ont fait une trilogie. La lecture des Nibelungen se fit à Mariafeld en trois soirées et se prolongea fort avant dans la nuit.