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SOUVENIRS

que jusqu’à le déconcerter. À ce sujet, je dus recevoir à brûle-pourpoint la leçon d’un ami, d’ailleurs non sans mérite intellectuel : il m’apprit comme quoi je n’avais, à proprement parler, nul droit de faire interpréter Tannhæuser à ma guise, du moment que le public, aussi bien que mes amis, en accueillant partout cette œuvre avec faveur, avaient ainsi manifestement exprimé que la façon plus sentimentale, plus fade, jusqu’alors suivie, de comprendre l’œuvre, bien qu’insuffisante pour moi, était au fond la meilleure. L’objection tirée de la niaiserie de pareilles assertions était accueillie par des haussements d’épaules d’une si aimable indulgence, qu’il n’était pas possible de la maintenir.

Aussi, à cet amollissement, je dirai même à cette corruption tout à fait générale non-seulement du goût public, mais même du sens artistique de gens appartenant souvent à notre proche entourage, nous eûmes, Schnorr et moi, à opposer une commune résistance ; cela se