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MES SOUVENIRS SUR SCHNORR

prêté l’attention la plus soutenue à mes interprètes, aussi bien avec l’œil qu’avec l’oreille, pendant qu’on répétait le premier et le second acte, involontairement je me détournai tout à fait, une fois le troisième acte commencé, du spectacle du héros blessé à mort, étendu sur son lit de douleur, pour m’absorber en moi-même, immobile sur mon siège, les yeux demi-fermés. Dans cette première répétition au théâtre, comme je ne me tournai pas une seule fois vers lui, même aux plus vigoureux accents, pendant tout le cours de cette scène d’une longueur extraordinaire, bien plus, comme je ne faisais guère que m’agiter, Schnorr parut éprouver quelque perplexité intérieure à la durée insolite de mon indifférence en apparence complète ; en effet, lorsque enfin je me levai en chancelant après la malédiction d’amour, lorsque, penché en une étreinte attendrie vers cet admirable ami, qui persistait à rester étendu sur sa couche, je lui dis tout bas qu’il m’était impossible d’exprimer