Page:Wagner - Sur les Poèmes symphoniques de Franz Liszt, 1904, trad. Calvocoressi.djvu/24

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désarmé ; et alors, naturellement, ils se fâchent parce que le malin forgeron sait tenir le pommeau pour manier la lame, et ils ne peuvent plus même voir ce pommeau que d’autres leur offraient tout dégarni. Je vous le dis, voilà la cause de tant de gémissements sur l’absence de forme ! A-t-on jamais vu manier une épée sans pommeau ? Mais au contraire l’élan puissant de l’épée montre bien que le pommeau est là solide ; toutefois, il ne devient visible et tangible pour les autres qu’une fois le sabre lâché. Quand le maître sera mort et son épée accrochée à la panoplie, on verra le pommeau, on pourra le dévisser de l’arme — saisir[1], mais en atten- dant on se refuse à concevoir que quiconque voudra de nouveau brandir la lame ne pourra le faire avant d’y avoir ajusté un pommeau. Mais les gens sont tels — laissons-les aller.

Oui, ****, il n’en est pas autrement : Liszt n’a pas même de forme. Mais ceci doit nous réjouir, car si on voyait le « pommeau » , il faudrait pour le moins craindre que Liszt ne tint son épée par la pointe, ce qui, dans un monde méchant et hostile comme le nôtre, serait vraiment par trop

  1. Il y a ici un jeu de mots intraduisible basé sur les mots Griff, pommeau ; Begriff, compréhension. (N. d. T.)