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ACTE DEUXIÈME


BRANGAINE.

Dans l’aveugle désir du péril, où tu cours,
Tu trouves les heures trop lentes. —

Elle tend l’oreille.

J’entends la voix du cor !

YSEULT.

Non, non ! la voix du cor n’est pas si douce ;
C’est la source naissante, épanchant dans la mousse,
Son onde fraîche et vierge encor ;
Si le cor résonnait, entendrai-je la source ? —
La nuit sera trop tôt au terme de sa course,
Pourquoi veux-tu retarder mon bonheur ?
Oh ! rends-moi l’élu de mon coeur,
Brangaine ; trêve à de vaines alarmes !

BRANGAINE.

Ah ! laisse-toi fléchir par mes pleurs et mes larmes ;
Un piège est tendu sous tes pas ; —
L’amour t’aveugle ; — éblouis par ses charmes, —
Tes yeux ne le devinent pas. —
Rappelle-toi ce jour, où tremblante et glacée,
La triste Yseult, la pâle fiancée
Parut devant le Roi.
Le trouble de ton coeur altérait ton visage ;
Pourtant le prince, empressé près de toi,
Te plaignait hautement des ennuis du voyage.
Un homme alors, — je l’ai vu de mes yeux, —
Ourdissant, dans son coeur, une infernale trame,
Arrêta sur Tristan son regard soupçonneux
Et parut deviner le secret de son âme.
Maintes fois, t’épiant aussi,
Je l’ai vu rôder par ici.
Prenez garde à Mélot !